Les images satellites illustrent l’ampleur des inondations qui touchent depuis plusieurs mois la Thaïlande et le Cambodge, où la mousson est très forte cette année. Plusieurs centaines de morts sont à déplorer.
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Les inondations en Thaïlande vont coûter plus cher que prévu
L'Asie du Sud-Est affronte les pires inondations de son histoire
Les méfaits de l'urbanisation
Bangkok Envoyé spécial - Dans les villes et les campagnes thaïlandaises, la disparition progressive des zones de rétention d'eau augmente les risques d'inondations. Bangkok comportait, au XIXe siècle, plus de 1 200 khlongs, un réseau traditionnel de canaux qui acheminait l'eau vers la mer. La plupart d'entre eux ont disparu, recouverts par les routes et les gratte-ciel.
Dans les campagnes, les vergers, avec leurs tranchées gorgées d'eau qui servaient à faire pousser les arbres même en période sèche, et les rizières absorbaient l'eau venue du nord du pays. Mais avec l'industrialisation, la superficie des terres agricoles a diminué de moitié en Thaïlande, entre 1986 et 2002. Et les usines construites sur ces terrains sont aujourd'hui inondées. Même les lacs - comme celui de Nakhon Sawan dans le centre du pays - ont diminué en taille en raison de cette course à la construction.
"Il est urgent de réviser à la baisse les coefficients d'occupation du sol", insiste l'urbaniste Niramon Kulsrisombat, enseignante en architecture de l'université Chulalongkorn. Dans les rizières de l'est de Bangkok, un agriculteur qui possède 1 m² de terrain peut construire 2 m² de surface d'habitation.
La gestion des barrages dans le nord du pays est aussi mise en cause. "Des volumes insuffisants d'eau ont été libérés au début de la mousson. Aujourd'hui, les barrages débordent et sont à l'origine des inondations dans le sud du pays", regrette Smith Dharmasaroja, l'ancien directeur du département météorologique. Les autorités avaient alors privilégié la production d'électricité pour fournir les zones industrielles, au détriment de l'irrigation des cultures.
En 1995, après les inondations qui avaient affecté l'ensemble du pays, les autorités ont mis en place un système de pompage d'eau et ont construit des digues le long de la rivière Chao Phraya qui traverse Bangkok. La construction d'un tunnel souterrain pour acheminer l'eau vers la mer a même démarré. Mais l'évacuation de l'eau du tunnel situé au-dessous du niveau de la mer, consommera beaucoup d'énergie. Cette stratégie qui vise à bloquer l'eau à tout prix montre ses limites. "Il faut organiser des villes compactes et rendre au pays ses zones naturelles de rétention d'eau", plaide Niramon Kulsrisombat.
Julien Bouissou
Article paru dans l'édition du 18.10.11
Encerclée par les eaux, Bangkok tente de résister aux inondations
Sam Khok (nord de Bangkok) Envoyé spécial - A Bangkok, près d'un millier de bateaux remontaient les fleuves de la ville, dimanche 16 octobre, dans l'espoir de repousser avec leurs moteurs, l'eau vers la mer. Aucune solution, aussi futile et désespérée soit-elle, n'est écartée par les autorités thaïlandaises pour protéger d'inondations dévastatrices la mégapole asiatique de 12 millions d'habitants. Des soldats continuent d'empiler des centaines de milliers de sacs de sable. L'eau est à certains endroits pompée ou évacuée par des tunnels souterrains et des canaux, dont les autorités contrôlent le débit. Dans les faubourgs du nord de la ville, des camions de sable, postés au-dessous des ponts géants, sont prêts à intervenir en cas de débordement du fleuve Chao Phraya.
Après avoir déjà affecté 8 millions de personnes, causé 297 morts et ravagé 10 % des rizières de la Thaïlande depuis juillet, les inondations gagnent peu à peu le sud du pays. Elles ont déjà submergé des zones industrielles entières et l'ancienne capitale impériale Ayutthaya, qui abrite des temples classés au patrimoine mondial. "La situation à Bangkok montre des signes d'amélioration", a voulu rassurer, dimanche, le centre de lutte contre les inondations.
Bangkok résiste, mais pour combien de temps encore ? Au nord de la ville, les habitants ont garé leurs voitures sur les ponts géants pour les sauver d'une éventuelle submersion. De l'autre côté des digues et des barrages dressés au nord de la cité, à quelques kilomètres seulement des gratte-ciel, les échangeurs d'autoroute sont sous l'eau. La nature a vite repris le dessus sur les hectares de bitume. Des hérons se reposent sur les glissières de sécurité. Des sinistrés pêchent sur la bande d'arrêt d'urgence et les ouvriers d'une usine affectée lancent même des filets sur leur parking inondé pour espérer y attraper des poissons égarés. Sur la route qui mène à Sam Khok, au nord, seuls les pick-up peuvent passer, mais de plus en plus difficilement car le niveau de l'eau monte jour après jour. Leurs coffres à ciel ouvert sont chargés de nourriture, d'eau, de tentes, et de bateaux en bois, à destination des sinistrés.
3 milliards de dollars
Nalin Laohong est l'une des victimes des inondations. Le policier est allé à Bangkok emprunter de l'argent à des cousins pour avoir de quoi survivre pendant quelques semaines. "A 55 ans, il va falloir que je recommence ma vie à zéro", se désole-t-il, expliquant qu'il ne lui reste plus que sa voiture et la chaîne en or qu'il porte autour du cou.
A Sam Khok, les habitants n'avaient pas vu un tel désastre depuis des décennies. La route principale s'est transformée en artère commerçante. C'est ici que les sinistrés peuvent acheter de l'eau, recevoir de la nourriture. Des petites échoppes abritées sous des bâches en plastique se sont installées le long de la route. En contrebas, des ouvriers assemblent des planches pour construire une maison en bois sur pilotis, qui servira provisoirement de "marché sur l'eau".
Les bateaux sont désormais plus sûrs que les camions pour approvisionner la petite ville. Les habitants rejoignent leurs maisons dans des embarcations de fortune : carrés de polystyrène, chambres à air ou barques, pour les plus chanceux. Chucin Sihsoynen, un conducteur de rickshaw (triporteur), et sa famille vivent au premier étage de leur maison, à quelques centimètres de la surface de l'eau. "Les flots ont envahi progressivement le rez-de-chaussée il y a un mois, puis tout s'est accéléré ces derniers jours", témoigne le père de famille. Les portraits du roi et de la reine de Thaïlande ont été sauvés des eaux et accrochés sous le toit en tôle. La vaisselle, quelques statuettes de Bouddha, un réfrigérateur et les lits ont été regroupés sur le plancher. L'électricité a pu être rétablie. Il y a quarante ans, leur maison tenait sur des pilotis. Puis des murs en ciment ont été rajoutés pour aménager un petit salon et une chambre à coucher. "Les maisons sur pilotis, en bois, seuls les pauvres et les agriculteurs les habitent maintenant", glisse Chucin Sishsoynen.
Cette nouvelle architecture, ainsi que les grands projets fonciers et industriels qui se développent au nord de Bangkok, favorisent les inondations en limitant l'absorption de l'eau par les surfaces cultivées, et en la bloquant par endroits. A Sam Khok, l'eau ne vient pas seulement du ciel mais du nord du pays. Or, pendant cette saison, les hautes marées empêchent l'eau de s'évacuer vers la mer. Les inondations en Thaïlande pourraient coûter au pays 3 milliards de dollars (2,2 milliards d'euros), selon les prévisions du gouvernement, et amputer sa croissance économique de 1 à 1,7 % selon le ministère des finances. Des centaines d'usines ont dû cesser leurs activités, notamment près d'Ayutthaya, où des zones industrielles emploient des dizaines de milliers d'ouvriers. Les fabricants d'électronique et les constructeurs automobiles sont parmi les plus touchés. D'après Payungsak Chartsutthipol, président de la Fédération des industries thaïlandaises, il faudra des mois à l'économie du pays pour se remettre des inondations.
Julien Bouissou
Article paru dans l'édition du 18.10.11
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