Brest (Finistère), Ploubazlanec (Côtes-d'Armor) Envoyé spécial - Le soleil brillait sur la rade de Brest, mercredi 31 août, quand la première hydrolienne destinée au site de Paimpol-Bréhat a majestueusement pris la mer, portée par une barge spécialement conçue à cet effet et tractée par un remorqueur. Dans quelques jours, cet engin de 16 mètres de diamètre fixé sur un tripode sera immergé par 35 m de fond, à huit kilomètres au large de l'île de Bréhat, pour une campagne d'essai de deux mois.
Si EDF, maître d'oeuvre du projet de 40 millions d'euros, tient son calendrier, une ferme de quatre hydroliennes - des cousines des éoliennes, mais actionnées par les courants marins - sera installée sur le même site en 2012 et raccordée au réseau électrique à l'automne, ce qui constituerait une première mondiale. La puissance théorique de l'installation sera de 2 mégawatts, de quoi alimenter "2 000 à 3 000 clients", selon EDF.
Pour ses premiers pas dans le secteur prometteur des énergies marines, la compagnie d'électricité a voulu concevoir un projet exemplaire et fédérateur. "Nous avons décidé dès 2007 que le volet concernant les relations sur le territoire était aussi important que les autres aspects", confie Vincent Denby-Wilkes, délégué d'EDF pour la Bretagne.
Quatre ans plus tard, l'ensemble des acteurs concernés saluent la démarche adoptée : dialogue, concertation, ouverture. Un groupe de liaison rassemblant élus locaux, usagers de la mer, associations environnementales, services de l'Etat et tissu économique s'est réuni à neuf reprises depuis 2008. "Il a été animé par des gens responsables, ouverts et précis. Il n'y a jamais eu de langue de bois et EDF a répondu à toutes les questions", constate Jean-Yves Jalaber, de l'association Bretagne vivante, qui reconnaît son scepticisme de départ.
"Avant la première réunion, on était circonspects, on se demandait ce qui allait nous tomber dessus, raconte Jean-Yves Cochennec, dont la concession ostréicole se trouve en face de l'anse de Launay, à Ploubazlanec, sur le tracé du câble de quinze kilomètres qui transportera l'électricité produite par les hydroliennes jusqu'à un poste de livraison à terre. Mais les explications ont été franches et sincères."
Tous ont aujourd'hui le sentiment d'avoir été écoutés et - mieux encore - associés au projet par leurs suggestions. "Soit on arrivait avec un truc ficelé et, dans ce cas, ça coinçait, soit on arrivait avec des éléments de projet et on construisait ensemble", précise M. Denby-Wilkes, qui estime avoir parcouru deux fois par semaine, depuis trois ans, les 150 kilomètres séparant Rennes de Paimpol et Ploubazlanec.
Dans ce pays de pêche aux crustacés et à la coquille Saint-Jacques, EDF redoutait notamment l'opposition des marins-pêcheurs. Mais l'adhésion de l'énergique président du comité local des pêches, Yannick Hemeury, a emporté toutes les réticences : son conseil s'est prononcé à 87 % en faveur du projet. Au passage, les pêcheurs ont obtenu le financement d'un programme de marquage et de suivi des homards afin d'avoir une meilleure connaissance du stock.
"EDF a mis les moyens, en arrosant un peu tout le monde", commente Jean-Yves Jalaber. Conservateur bénévole de la réserve naturelle Paule-Lapicque, située sur l'anse de Launay, il reconnaît d'ailleurs avoir obtenu une aide pour financer des sentiers de découverte ainsi qu'un lieu d'accueil du public. Jean-Yves Cochennec recevra une indemnisation pour les deux hectares de parcs à huîtres auquel il a renoncé. Quant à Danielle Brézellec, maire de Ploubazlanec, elle a convaincu EDF de prendre à son compte la construction de nouvelles toilettes publiques, juste à côté du poste de livraison à terre.
Au sein du conseil municipal, le projet de ferme d'hydroliennes a fait l'unanimité. Et lors de l'enquête publique, en 2010, les registres ouverts en mairie sont restés quasiment vierges : "Il n'y a eu que neuf remarques, dont quatre de riverains qui craignaient les nuisances sonores au niveau du poste de livraison", assure madame le Maire, qui ne peut cacher son enthousiasme : "J'ai vécu, je vous assure, une merveilleuse aventure avec EDF", s'exclame-t-elle.
"C'est un projet qui fait plaisir : ce n'est pas visible, et ça n'émet ni bruits ni odeurs", renchérit Jacques Nicollet, capitaine au long cours et président de l'Association nautique Paimpol-Ploubazlanec, qui prépare une campagne d'information sur la pêche à pied grâce au soutien financier d'EDF.
Les plaisanciers pourront continuer de pêcher le bar et le lieu jaune sur le site de la Horaine, au-dessus des hydroliennes, qui ne devraient jamais se trouver - même lors des grandes marées - à moins de dix mètres de la surface. La zone, première réserve de crustacés d'Europe, était déjà interdite à la pêche professionnelle. Même les écologistes ont rangé leurs inquiétudes : la vitesse de rotation des hydroliennes (sept à dix tours par minute au plus fort du courant) ne devrait pas menacer les poissons ou mammifères marins, qui pourront de toute façon traverser les engins, évidés en leur centre.
Les hydroliennes, conçues par la firme irlandaise Open Hydro et assemblée par DCNS à Brest, seront simplement posées sur les fonds marins, la force gravitaire de leur presque 1 000 tonnes (chacune) suffisant à les immobiliser. Quant à une éventuelle pollution sonore sous-marine, elle fera l'objet de mesures pendant la campagne d'essais. "Dommage qu'on ne mette pas les mêmes moyens pour promouvoir les économies d'énergie...", soupire Jean-Yves Jalaber.
Gilles van Kote
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