mardi 27 septembre 2011

Les achats de terre arables passés au crible

En complément de l'article du 20 septembre
Lu sur le site du Monde

Un projet international va évaluer l'ampleur de ce phénomène encore mal cerné.

Le phénomène d'appropriation foncière de terres agricoles par des investisseurs privés internationaux a pris une ampleur sans précédent au cours des dix dernières années. Pourtant, disposer de données fiables et vérifiées sur le sujet relève de la gageure. Un partenariat international rassemblant universités, instituts publics de recherche et organisations non gouvernementales (ONG), le Land Matrix Partnership, s'est donné pour mission d'y remédier et de dresser une véritable cartographie du phénomène.
Il faudra probablement attendre la fin de l'année pour en disposer, mais, dans un rapport publié jeudi 22 septembre, l'ONG Oxfam, qui joue un rôle important dans le partenariat, a dévoilé des premiers éléments chiffrés : "Dans les pays en développement, 227 millions d'hectares, soit la superficie de l'Europe de l'Ouest, ont été vendus ou loués depuis 2001, principalement à des investisseurs internationaux", affirme le document.

Oxfam reconnaît cependant que ce chiffre est basé sur des informations hétérogènes : rapports officiels, recherches universitaires, sites Internet d'entreprise, médias et, plus rarement, les contrats eux-mêmes. "Déterminer la quantité exacte de terres qui ont changé de mains est incroyablement difficile en raison de l'absence de transparence et du secret qui entoure généralement les contrats", constate l'ONG.
Le Land Matrix Partnership est parti de deux bases de données : celles de l'ONG Grain et de l'International Land Coalition, un rassemblement de 116 ONG et agences intergouvernementales. La deuxième étape, actuellement en cours, consiste à vérifier ces informations, généralement tirées des médias, en ayant notamment recours aux études de terrain réalisées par les membres du réseau.
Ces recoupements ont permis, à ce jour, de confirmer l'existence de 1 100 transactions portant sur 67 millions d'hectares (sur les 227 recensées au total), selon Oxfam. Les continents les plus visés sont l'Afrique, avec 34 millions d'hectares, et l'Asie, avec 28 millions.

Nouvelles stratégies

Ces estimations sont assez cohérentes avec le chiffre auquel était arrivée en 2010 la Banque mondiale, qui s'était, elle aussi - de façon assez surprenante -, basée sur les travaux de Grain : 464 transactions portant sur 46 millions d'hectares, entre octobre 2008 et août 2009. "C'était la période d'accélération du phénomène, analyse Frédéric Mousseau, directeur politique d'Oakland Institute, un think tank américain. Depuis, avec la crise financière, il y a eu une décélération. Beaucoup de projets ont pris du retard ou ont carrément été annulés. D'où la nécessité de tout vérifier."
Selon Ward Anseeuw, chercheur au Centre de coopération international en recherche agronomique (Cirad), les investisseurs internationaux auraient développé de nouvelles stratégies - moins visibles -, afin de tirer profit de l'augmentation des prix des denrées alimentaires.

Gilles van Kote avec Anne Devailly (à Montpellier) 
Article paru dans l'édition du 24.09.11

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